La plateforme « art, design et société » engage des projets de recherche-création pour réfléchir aux enjeux sociaux, esthétiques et techniques, de la création contemporaine. Elle est composée par une équipe pluridisciplinaire d’artistes et de chercheurs en sciences sociales ancrée à EnsadLab qui opère sous le nom « La fabrique du sensible » selon trois axes de recherche expérimentale et transdisciplinaire.
Si la notion de créolisation a déjà été mobilisée dans les pratiques curatoriales (Martin 1989 ; Enwezor 2003), la manière dont elle est aujourd’hui revendiquée, mise en oeuvre, rejetée ou ignorée par une jeune génération d’artistes et de designers est en revanche moins bien connue. Prenant acte de cette lacune de la théorie de l’art et du design francophone, cette journée d’étude propose de réfléchir à la façon dont la notion de créolisation dans toute sa richesse épistémologique, linguistique, politique et culturelle (Chivallon 2013) irrigue ou pas les pratiques contemporaines en art et en design et si, en retour, elle est peut nous aider à penser comment aujourd’hui la création peut affecter les sociétés et communautés ayant entamé un processus de décolonisation de leurs savoirs et pratiques.
Cette journée d’étude est organisée par la Plateforme « art, design et société, (Francesca Cozzolino, Arnaud Dubois et Sophie Krier) d’EnsadLab (laboratoire de l’École des Arts Décoratifs – Université Paris, Sciences et Lettres, PSL) avec le soutien de la Chaire arts& sciences de l’École polytechnique, de l’EnsAD-PSL et de la Fondation Daniel et Nina Carasso.
Table-ronde : «Création contemporaine au Mexique »
Date: 15 octobre 2020 Lieu: Institut cultural de México en France Avec : l’artiste Mauricio Limón de León, l’anthropologue Francesca Cozzolino (enseignante-chercheure, EnsadLab) et le curateur Marco Calderón.
Entre raillerie et observation du banal, l’artiste Mauricio Limón de León nous invite dans l’exposition « Le premier qui rira » à une réflexion sociale au gré de ses pérégrinations dans un espace urbain identifié: Iztapalapa. Densément peuplé, ce secteur sensible est situé à l’est de Mexico. Cette enclave éloignée et défavorisée revêt aux yeux de l’artiste une dimension énigmatique et profondément humaine.
A travers le projet « Totomoxtle » développé par le designer Fernando Laposse dans le village de Tonahuixtla (Puebla, Mexico), nous cherchons à saisir la manière dont les paysans ont appris à maîtriser des gestes artisanaux, les astuces et savoirs investis dans les procédés de production, dès la récolte des feuilles de maïs à l’usage de prototypes dessinés pas le designer. Nous visons aussi à rendre compte des relations culturelles, économiques, politiques, écologiques et symboliques qui sont à l’œuvre dans ce projet.
Publicisations
Francesca Cozzolino, « De la culture de la milpa à l’objet de design. Relier les pratiques d’agriculture traditionnelle à l’innovation technique dans un village de l’état de Puebla (Mexique) », Techniques&Culture 2021/2 No 76 « Waza on the Move. L’art ineffable de l’apprentissage », 17 novembre 2021, p 226-229. Accessible en ligne : https://doi.org/10.4000/tc.16902
Workshop éditorial « Imaginer l’article de demain : nouvelles structures narratives et formes de socialisation des savoirs » (2019)
En juin 2019, nous avons organisé un atelier d’expérimentation éditoriale à partir de nos différentes enquêtes de terrain. A l’issue de l’atelier, plusieurs formes de restitution ont été proposées (atlas transmédia, base de données, topographie sensible…) par les équipes invitées.
« Créolisation des savoirs » est une recherche éditoriale portée par Sophie Krier autour du projet de recherche Éloj Kréyol du duo parisien / guadeloupéen de design dach&zephir. Cette enquête à perspective décoloniale cherche à questionner la façon dont les formes créées aujourd’hui par les designers peuvent témoigner des processus de créolisation linguistique, culturelle et matérielle dans les Antilles françaises, afin de valoriser des savoir-faire artisanaux qui sont la manifestation d’une « intelligence rusée » (Lucrèce 2019).
La matinée, intitulée « Au-delà du texte. Quand les sciences humaines et sociales s’emparent des nouvelles formes de narration »,a entrepris d’interroger comment certaines formes d’écriture artistique (graphisme, bande-dessinée ethnographique, dessin, data visualisation, exposition) viennent inspirer et transformer les pratiques des chercheurs en sciences humaines et sociales. Comment rendre compte et analyser des processus de création par de nouvelles formes d’écriture davantage liées aux situations observées ?
L’après-midi, intitulé« Hybridations. Recherches artistiques aux prises avec l’anthropologie » a regroupé des démarches à la croisée de l’art, du design et des sciences sociales, qui emploient des supports et des médias différents pour développer des formes narratives singulières. Celles-ci invitent à des lectures interactives en impliquant davantage le geste et le lecteur. Comment tirer parti des pratiques plastiques qui permettent de construire des nouvelles structures narratives ?
La journée a été clôturée par la conférence publique de Tim Ingold intitulée « Art and Anthropology for a living world » (archive vidéo en bas de page).
Photos Frédéric Joulian
Cette journée d’études s’est inscrite dans le projet de recherche « Prendre le parti des choses. Publications hybrides sur les processus de création », dirigé à Ensadlab par Francesca Cozzolino (enseignante-chercheure, EnsadLab/LESC) avec la collaboration de Pierre-Olivier Dittmar (maître de conférences, EHESS, Techniques&Culture) et le soutien de l’Université PSL dans le cadre du projet IRIS « Création, cognition et société » et de la Chaire arts & sciences de l’École polytechnique, de l’EnsAD-PSL et de la Fondation Daniel et Nina Carasso.
Publicisations
INGOLD Tim, « Art et anthropologie pour un monde vivant », in : Techniques&Culture, Débats, publié le 11 février 2018, accessible en ligne : https://tc.hypotheses.org/2055
Conférence de clôture « Art and Anthropology for a living world » de Tim Ingold
Crédits image en introduction : Counting Kolams workshop run by Ester Alemany and Alfonso Mulero, Aberdeen Botanical Gardens, Knowing from the Inside (KFI), 2017. Photos Emile Kirsch.
Synopsis: Traditionally, the disciplines of anthropology and art have faced in opposite directions: the former dedicated to understanding forms of life as we find them; the latter to the creation of forms never before encountered. This talk is founded on the premise that the traditional opposition is untenable. Not only would the work of art carry no force unless grounded in a profound understanding of the lived world; but anthropological accounts of the manifold ways along which life is lived would also be of no avail unless brought to bear on speculative inquiries into what the possibilities for human life might be. Thus art and anthropology have in common that they observe, describe and create. Their orientations are as much towards human futures as towards human pasts: these are futures, however, that are not conjured from thin air but forged in the crucible of contemporary social lives.
Vue d’atelier et de l’élaboration des « Machines Sonores » produites dans le cadre de l’exposition sur Pierre di Sciullo intitulée « Typoéticatrac, les mots pour le faire » (Bel Ordinaire 2017). Crédit photo @ Hortense Soichet
Le projet « Prendre le parti des choses. Publications hybrides sur les processus de création » repose sur une articulation inédite entre design et sciences humaines et sociales. Il est issu de nouvelles formes d’écriture qui utilisent des supports numériques interactifs pour décrire la création. Ce projet propose une approche matérielle et processuelle de la création et s’appuie sur l’expérimentation de formes de publication qui découlent d’une telle conception dynamique et concrète du processus de création lorsqu’il est observé dans sa complexité et saisi au-delà de la seule intentionnalité des artistes. C’est précisément à cette jonction que ce projet entend se situer en fédérant des chercheurs en sciences humaines et sociales (EHESS et EnsadLab), des chercheurs en art et en design (EnsadLab). Il se structure autour de la production d’un ouvrage numérique issu de l’exposition « Typoéticatrac. Les mots pour le faire » du graphiste Pierre Di Sciullo (commissariat Francesca Cozzolino) et sur la mise en place d’un séminaire prenant la forme de deux journées d’études, à l’EnsAD le 29 mars 2018 et à l’EHESS le 20 juin 2018.
Vue de la salle “L’or de la fougue”, Pierre Di Sciullo, exposition « Typoéticatrac, les mots pour le faire » (Bel Ordinaire 2017). Crédit photo @ Luke James
Une enquête en cours dans les mondes de la création du Mexique nous permet de penser comment les pratiques artistiques impliquent l’émergence de nouvelles « écologies sociales » issues d’actions collectives et collaboratives. Il s’agit de comprendre comment le sensible « performe » le réel, c’est-à-dire comment la façon de travailler des artistes, peut générer des éléments susceptibles de faire émerger de nouvelles formes de sociabilité, de changer les relations de pouvoir et d’activer des processus d’ « empowerment ».
Ces dynamiques jouent un rôle particulièrement important lorsque, comme dans le contexte mexicain, le tissu social est mis à mal par des inégalités sociales grandissantes. Proposant de nouveaux contextes de production artistique, elles permettent aussi de retisser des fils entre les différents groupes et de créer du lien social, favorisant ainsi l’émergence d’un « commun ». Dans ce cadre, la création en art et en design contribuerait à réinventer des espaces de socialisation dans des contextes de forte fragmentation sociale.
Afin de restituer les circulations entre les mondes de l’art et les mouvements sociaux et de faire émerger des manières, tant au niveau individuel que collectif, de « faire dans le trouble » , ce projet s’appuie sur une série d’enquêtes ethnographiques menées au sein de centres culturels, de festivals temporaires, de collectifs artistiques et de réseaux de quartier localisés dans trois régions du Mexique (Mexico DF, les états de Puebla et du Chiapas). Celles-ci nous permettront d’observer comment des groupes sociaux sont capables d’activer, par le biais de la création artistique, de nouveaux types d’espaces publics.
Enquête « Quand l’art façonne la société », Xochimilco, Mexico, 2018
Ce projet fait ainsi le pari qu’art et société, lorsqu’ils se rencontrent, peuvent faire émerger de nouvelles écologies sociales et que les pratiques artistiques, lorsqu’elles sont prises dans des dynamiques politiques et sociales peuvent contribuent à redéfinir la notion de société. En tant qu’objet de recherche, les pratiques de création artistique exigent par ailleurs des chercheurs d’inventer des modalités d’enquête et d’écriture à même d’en restituer le caractère sensible. Nous souhaitons ainsi associer à ce volet empirique de la recherche une recherche par la pratique, qui nous permettra d’explorer la possibilité de formes hybrides de publication et de restitution de ces recherches.
Ce projet de recherche est piloté par Francesca Cozzolino (enseignante – chercheure, Ensadlab) et a bénéficié du soutien de l’IRIS PSL « Création, cognition et société » entre 2017 et 2019 et depuis 2019 il bénéficie du soutien de l‘EUR ArTec (Université deParis 8) et d’EnsadLab.